de Francois Kokelaere » Mar 4 Fév 2014 09:55
Mon cher Mikaël, des anciens, on en croise tous les jours et souvent, on va au bout du monde pour les rencontrer, pour finir par s’apercevoir que le maître tant souhaité, tant recherché, habite en bas de chez soi. Mais le maître en bas de chez soi se serait-il révélé, l’aurions-nous reconnu, si nous n’avions pas parcouru le monde ?
À ce propos une très jolie histoire que m’a racontée un ancien de passage:
LA BALLADE DE MONSIEUR CHOU
Il y avait dans une ville de la Chine septentrionale un grand maître de Kung Fu du nom de Li Fu Yeng. Tous le craignaient, tant il était rapide et fort. Il fallait le voir faire la figure de la Grue et celle de la Mante religieuse. Et celle du Tigre… Tout le monde était effrayé quand Li Fu Yeng faisait le combat du Tigre.
Un jour qu’il marchait dans la rue, il entendit une petite voix derrière lui :
« Maître, maître, hi, hi, hi… je vous ai vu faire votre Kung Fu, vous êtes très fort, oh oui très fort, mais je connais quelqu’un qui est beaucoup plus fort que vous, hi, hi, hi… »
Li Fu Yeng se retourna, rouge de colère :
« Que dis-tu, vieillard insolent ? Je suis le plus fort de tous les maîtres de Kung Fu de toute la Chine septentrionale. Que racontes-tu là ? »
- Oui, oui, maître, hi, hi, hi… vous êtes très fort, mais je connais quelqu’un qui est beaucoup plus fort que vous, ça pas de doute. Hi, hi, hi… oh oui, beaucoup plus fort que vous !
- Plus fort que moi, c’est impossible… JE suis le plus fort de tous. MOI, personne n’ose m’affronter. Et qui est cette personne, que j’aille le mettre en pièces ? Où puis-je le trouver ?
- C’est Monsieur Chou, hi, hi, hi…
- Chou ? Jamais entendu parler. Et où est-il ce Chou ?
- Il vit dans une petite maison sur le mont Wu Tang. Hi, hi, hi…
- Mais cesse donc de ricaner, vieillard imbécile, je m’en vais de ce pas voir ce Chou et le réduire en morceaux… »
Il prit son plus bel habit noir avec écrit dessus en lettres calligraphiées « I am the king of the Kung Fu » et partit pour le mont Wu Tang.
Arrivé au village qui est situé juste en bas du Mont Wu Tang, il croisât un villageois qui revenait des champs. Il l’appela.
« Eh, bonhomme, connais-tu un nommé Chou, soit disant, maître de Kung Fu ? Où puis-je le trouver ?
- Monsieur Chou, ah oui, je connais, il habite là -bas, la petite maison tout en haut du Mont Wu Tang. Suivez le sentier, vous le trouverez. »
Li Fu Yeng partit en courant, prêt à en découdre.
Arrivé en haut de la colline, il vit un petit homme assis sur le devant de sa porte. Il l’interpella en hurlant.
« Chou. Ta dernière heure est arrivée. Je suis Li Fu Yeng, le plus grand maître de Kung Fu de toute la Chine septentrionale. Viens te battre si tu es un homme ! »
Le petit homme mit sa main devant sa bouche et esquissa un sourire
« Hi, hi, hi…
- Tu peux rire, mais tu as trouvé ton maître, misérable cloporte, je vais te réduire en bouillie.» Et il se mit à faire la posture de la Mante religieuse. Wouoï, wouoï, woï… à une vitesse qui défiait les lois de la pesanteur.
«Hi, hi, hi, fit le petit homme…
- Tu rigoles, Ah, ah, ah, et ça » Il fit le Tigre où il était particulièrement irrésistible.
«Hi, hi, hi… » fit encore le petit homme…
Alors le doute commença à s’immiscer dans la tête du colosse.
« Mais pourquoi rit-il ? On dirait qu’il n’a pas peur. Tous ceux que j’ai affrontés jusqu’alors étaient terrorisés et lui, il rit ? »
Il hurla :
« Chou, je suis Li Fu Yeng, le plus fort de tous les maîtres de Kung Fu de toute la Chine septentrionale. Moi, que tu vois là , je suis imbattable. Allez, viens !
- Hi, hi, hi… » fit le petit homme.
Mais le doute était là . Il se dit :
« Mais pourquoi sourit-il ? Il n’a pas peur de moi. C’est impossible. Alors à quoi servent toutes ces années de pratique si ce petit homme n’a pas peur de moi ? Pourquoi tous ces exercices, toutes ces postures d’animaux compliquées, toutes ces années de travail acharné, toutes ces heures passées à méditer sous des cascades d'eau glacée, si ce petit homme rigole ? »
Il lança une dernière fois un cri énorme qui fit trembler tous les arbres du Mont Wu Tang :
« Je suis Li Fu Yeng, le plus grand maître de Kung Fu de toute la Chine septentrionale ! » et il partit en courant, dévala à toute allure les pentes du mont Wu Tang comme s’il avait le diable aux trousses et disparut à l’horizon.
Quand il le vit s’enfuir, le petit homme fit :
« Hi, hi, hi, Monsieur, Monsieur…attendez ! »
Mais il était trop tard, Li Fu Yeng avait déjà disparu à l’horizon.
« Monsieur, Monsieur… Chou, c’est la maison d’à côté, hi, hi, hi… »